

J’ai mis au monde une petite merveille. J’ai donné la vie à mon premier garçon, que j’ai porté précieusement au creux de mon ventre pendant 9 longs mois.
9 mois où mon corps a tranquillement fait de la place au sien, où mon corps s’est
abandonné pour s’assurer que le sien était bien, était chaud, était nourri et aimé. 9 mois où mon corps s’est délicatement transformé, où ma peau s’est doucement étirée
jusqu’à fissurer pour s’assurer que mon bébé ait la place nécessaire pour grandir.
J’ai tellement aimé le porter, le bercer, le sentir. J’ai tellement apprécié avoir
cette chance, ce privilège de pouvoir donner la vie.
Mais toute cette douceur est aussi entourée de montagnes russes d'émotions et de changements. J’étais loin d’être prête à la suite des choses...

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Après une césarienne qui a mal tournée (je te raconte ça un peu plus bas), je me suis retrouvée avec mon corps vide et abîmé.
Un corps que je ne reconnaissais pas. Un corps mou et fatigué. Un corps comme je n’en avais jamais vu.
Je n’avais jamais vu ce corps parce que personne ne le montre et j’oserai dire que personne n'en parle.
Personne ne m’a dit qu’après l’accouchement on portait notre ventre vide pendant des semaines, que nos hanches douloureuses n’allaient pas se replacer tout de suite, que nos seins allaient se gorger de lait jusqu'à la douleur pour ensuite se vider complètement et laisser place à de la peau étirée, que nos vergetures mauve foncé n’allaient pas tout de suite devenir douces et blanches et que notre corps n’allait pas avoir la force de s'entraîner, de courir, même de marcher pour certaines…
et je passe les cicatrices que nous devons soigner sous nos petites culottes.
Je ne savais pas que le passage de la vie en nous avait ce coût.
Mais je ne connaissais pas non plus cet AMOUR, ce lien intangible qui nous unit avec notre bébé, cette douceur, ce bien-être euphorisant, cette envie de blottir son corps contre notre coeur.
Je ne connaissais pas la force des femmes ni l'amour d'une mère.
Jamais je ne retournerais en arrière, jamais je n'effacerais mes cicatrices, ce sont les dessins de son passage dans mon corps.
C’est de là qu’est né mon désire de prendre les femmes en photo. De refléter le passage de ces petits êtres en nous et de la complicité que nous avons avec eux.
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Voici mon histoire, notre histoire devrais-je dire,
et je te préviens si tu es enceinte ou si tu as une crainte d'accoucher… ne lis pas mon récit.
Je n’avais aucune attente pour mon accouchement et c’est de loin le meilleur conseil que je peux donner. J’ai fait confiance à la vie, j’ai choisi de laisser aller les choses, je n’avais aucun plan de naissance et j’ai adoré mon expérience.
Plusieurs diront que j’ai vécu un accouchement horrible,
que c’est le pire accouchement qu’ils ont entendu,
que mon chum et moi avons vécu un cauchemar…
Mais je vais vous dire,
bien honnêtement, que je l’aime mon accouchement,
même s’il a laissé cette cicatrice.
C’est la naissance de mon fils,
l’arrivée de mon garçon dans nos vies.
Son chemin a été différent,
mais il est là avec nous, sain et sauf
et je n’échangerai ça pour rien au monde.
Ça m’a pris toute la force du monde me remettre de cet accouchement,
mais aujourd’hui j’en suis fière, je me sens BELLE & FORTE
et je te raconte comment ça s’est passé.
J’ai perdu mes eaux à 39 semaines pile, à mon grand bonheur, comme dans les films, sans douleur. J’étais tellement heureuse de me rendre à l'hôpital, nous étions fébriles et stressés à la fois d'accueillir notre premier bébé. J’ai été admise en obstétrique à 18h, toujours sans douleur.
On a passé la soirée dans la chambre d’accouchement, je sautillais sur mon ballon et on mangeait en attendant que notre coco fasse sentir son arrivée… dans les chambres d'accouchement on entend parfois les autres femmes accoucher, comme c’était notre premier bébé on ne savait pas trop à quoi s’attendre et moi de dire à mon chum en entendant les femmes mettre des petites vies au monde : ayoye y’en a qui l'ont vraiment pas facile ein ?
Haha je ne savais pas ce que la vie me réservait…
À 1h du matin, 7 heures après mon arrivée,
aucun travail en vue.
Les médecins me donnent donc de l'ocytocine pour provoquer le travail.
En moins de 30 minutes les contractions commencent,
je vous passe les détails de douleur de contractions sans eaux,
je tiens cette douleur pendant 4 heures (là j’ai compris les cris des mamans à côté de ma chambre) et je demande finalement l’épidural à 5h du matin.
Tout va pour le mieux, je dilate rapidement et à 7h on peut commencer à pousser.
Je suis jeune et en forme, assez sportive même,
je pensais pousser pendant 10 minutes, oups…
Je pousse donc avec toute la force du monde aux 2 minutes pendant 1h….2h…..2h30.
Je peux vous dire que c’est de loin la performance physique la plus difficile que j’ai réalisée.
Après 2h30 et un changement de staff,
les médecins font venir un écho portatif pour pouvoir voir la progression de mon coco.
Il est drôlement placé, dit le médecin, mais il devrait passer.
Je pousse donc encore et encore et encore.
Après 3h de poussée,
le coeur de mon petit Louis-Olivier commence à avoir un peu de difficulté,
les médecins évaluent donc la possibilité d’utiliser la ventouse ou les forceps,
une obstétricienne est donc appelée.
C’est pendant son évaluation qu’elle se rend compte que mon petit n’est pas du tout descendu, son cuir chevelu était descendu en raison de mes poussées et nous faisait croire qu’il était proche, mais les os du crâne était encore très haut dans mon bassin, ce qu’on appelle du moulage.
Aucun doute, elle m’annonce qu’on part en césarienne.
À ce moment je vais bien, c’est un accouchement difficile physiquement,
mais mentalement je donne le tout pour le tout,
je ne suis ni déçue, ni triste,
je veux juste que mon petit sorte.
Et là je me sens comme dans Grey’s Anatomy,
toutes les infirmières me préparent en courant avec la civière
et une me dit en me tenant la main : dans 15 minutes madame vous aurez accouché.
Il est environ 10h du matin.
Là tout a basculé.
J’entre en salle d’opération et tout va super vite,
il faut sortir mon garçon rapidement.
L’obstétricienne fait une incision normale de césarienne et le bébé est « supposé » sortir assez facilement.
Mais mon coco ne sort pas...
Elle pense d’abord qu’il a de trop grosses épaules
et fait une manœuvre de sortie particulière…
mais il ne sort toujours pas...
Les plusieurs médecins présents se rendent alors compte que mon garçon était tellement engagé qu’il était en fait coincé.
Ils se rendent compte que j’ai une anomalie au niveau du bassin,
un crâne de bébé ne peut pas passer…
sauf que je viens de pousser pendant 3 heures pour faire passer le mien.
Son crâne est complètement emboîté dans mes os.
Le temps presse
la panique commence à monter dans la salle,
on entend les médecins se demander quoi faire
alors que mon conjoint et moi sommes présents
et complètement impuissants.
Les minutes passent et les médecins font plusieurs tentatives de sortie,
mais rien.
Ils tentent alors une manœuvre assez rare,
mais faisable : un médecin pousse en sens inverse la tête du bébé par la voie vaginale pendant que l’obstétricienne tire par la voie de césarienne.
C’est l’une des dernières options…
mais mon garçon est toujours coincé.
Ils tentent finalement de basculer mon bassin de gauche à droite tout en tirant sur mon fils…
toujours rien.
Son crâne est pris, sa petite tête ne veut pas sortir
et moi je sens mon corps être chaviré dans tous les sens.
On entend les médecins respirer fort,
on entend les instruments d’opération,
on entend la panique dans les voix et on a peur.
Tellement peur, car le temps manque,
tout le monde parle fort,
tout le monde court autour de nous,
il faut faire quelque chose,
car la petite vie de notre Louis-Olivier
est en train de nous glisser entre les doigts.
Mon chum me tient la main si fort,
il est conscient de tout alors que moi...
je suis complètement déconnectée.
Après 40 minutes de tentatives en césarienne,
le code rose (urgence néonatal) est lancé
afin d'avoir un maximum de support puisque les médecins ne savent pas dans quel état ils vont réussir à sortir notre garçon…
Nous saurons par la suite qu’à ce moment l’obstétricienne en chef évalue qu’il lui reste 30 secondes pour sortir notre garçon vivant de cet enchaînement de procédures.
Elle tente une dernière solution,
elle m'ouvre le ventre à la verticale,
du pubis jusqu'au nombril,
ce qu'on appelle une césarienne en T inversée,
puis mon garçon sort enfin…
Silence total
L’urgence néonatal est sur place,
ils prennent mon bébé qui est bleu à ce moment.
Il est faible,
même très faible,
mais il finit par pleurer, enfin.
Les médecins l'évaluent avec le test d’Apgar
(couleur, rythme cardiaque, réflexes, tonicité et respiration)
et il obtient un 3/10, ce qui est critique.
Après le nettoyage de ses voies respiratoires,
il est transporté rapidement en néonatalité et papa a le droit de le suivre,
mais moi je reste allongée, le ventre ouvert, sur la table d'opération.
Seule.
J’ai froid,
j’ai mal au coeur,
je n’ai pas vu le visage de mon enfant.
Je ne sais pas tout ce qui vient de se passer.
Je ne sais pas s’il va bien.
Ce que je sais, c’est que les infirmières sont inquiètes,
les médecins se demandent comment me refermer
et moi je vois du sang partout.
La fermeture de ma césarienne prendra finalement plus de 1h.
Pendant ce temps en néonat,
avant de mettre mon garçon dans un incubateur,
les médecins lui laissent la chance de prendre ses forces par lui-même,
ce qu’il réussit!
Il obtient alors un Apgar de 7/10,
il n'était donc plus à risque,
il a réussi à surmonter l'accouchement
et papa peut le prendre en peau à peau.
La césarienne complète aura pris plus de 2h & j’ai été séparé de mon garçon pendant plus de 7 heures par la suite.
Papa a fait des aller-retours entre moi et bébé,
avec nos précieuses récoltes de colostrum,
pendant tout ce temps.
L'obstétricienne est venue nous raconter dans les détails ma césarienne le lendemain dans notre chambre d'hôpital et nous a rassuré en nous expliquant que notre garçon n’a jamais manqué d'oxygène, chose qu’ils peuvent vérifier par le cordon ombilical.
Il s’en est tiré sain & sauf sans aucune séquelles.
On a un gros garçon en parfaite santé et je remercie la vie à chaque fois que je pose les yeux sur lui.
Cette ouverture en T pour faire sortir mon garçon a pris plus de 3 mois pour cicatriser
complètement,
j’ai eu le droit a une infection post-natale et des aller-retour au CLSC pour changer mon bandage presque chaque jour pendant ces 3 longs mois.
Cet événement a laissé cette énorme cicatrice,
mais c’est les traces du passage de mon garçon, notre Louis-Olivier
